Polyamour, amour libre, couple ouvert, amours multiples : nous vous proposons une incursion dans l’univers fascinant de la non-monogamie.

Qu’est-ce que la non-monogamie consensuelle?

« La non-monogamie consensuelle, aussi appelée non-monogamie éthique, est un concept qui englobe tous les types de relations dans lesquelles les partenaires ont une entente éclairée de non-exclusivité romantique et/ou sexuelle », explique d’entrée de jeu Léa Séguin, Ph. D., chercheuse en sexologie et collaboratrice au Club Sexu. « Quand on parle plus spécifiquement de polyamour, un mot qu’on entend souvent, c’est lorsque l’accent est mis sur les relations amoureuses. Le sens est contenu dans le mot : “poly” veut dire “plusieurs”. On parle donc de plusieurs relations amoureuses vécues de manière simultanée par une même personne. »

Et le couple ouvert dans tout ça? Il s’agit plutôt d’une relation amoureuse dans laquelle les partenaires consentent à explorer des relations sexuelles – et parfois romantiques – en dehors de leur relation principale.

Ceci étant dit, l’amour libre n’est pas un mode de vie qui convient à tout le monde. Certaines personnes trouvent plutôt leur épanouissement dans des relations monogames, où les valeurs d’exclusivité amoureuse et sexuelle sont cardinales. Le polyamour exige une capacité à gérer la complexité des relations multiples, ce qui ne correspond pas à toutes les personnalités. Et c’est parfait comme ça!

Le couple ouvert de Jean

Au début de la cinquantaine, Jean et sa conjointe France* ont une vie sexuelle assez tranquille. « Il ne se passait plus grand-chose dans notre chambre à coucher », résume le Montréalais aujourd’hui aux abords de la soixantaine, qui souligne toutefois le grand amour mutuel et l’immense complicité qui animent encore son couple. « On a des ami·e·s qui avaient décidé d’ouvrir leur couple et qui fréquentaient parfois des soirées libertines. Ça nous interpelait, on leur a posé pas mal de questions. […] Ma conjointe et moi avons discuté pendant plusieurs mois et on a décidé d’essayer. Ça va faire 10 ans que ça dure et ça se passe bien. »

« Ouvrir notre couple nous a permis, à ma conjointe et moi, de nous adonner à de nouvelles pratiques sexuelles qu’on ne s’était jamais autorisé à essayer auparavant. On explore, parfois ensemble, parfois chacun·e de notre côté. Ça nous nourrit énormément. […] Par contre, sur le plan des sentiments amoureux, on reste fidèles l’un·e à l’autre. C’est primordial pour nous », confie Jean*, un Montréalais de 59 ans, en relation ouverte depuis près de 10 ans.

Jean et France se tournent donc vers les applications de rencontre et font individuellement la connaissance de quelques personnes au fil des années. « Au départ, mon but premier était de passer une belle soirée avec une femme et de faire l’amour, raconte Jean. Après des discussions par écrit, une conversation téléphonique et deux rencontres en personne, c’est ce qui est arrivé et ça m’a fait beaucoup de bien. Quand je l’ai embrassée, c’était bizarre parce que je n’avais pas embrassé d’autres femmes que ma conjointe en 20 ans de mariage, mais je me suis souvenu que je n’étais pas en train de la tromper. » Pour Jean et sa conjointe, les règles sont claires : pas de relations sexuelles extraconjugales sous leur toit, pas d’intimité avec des ami·e·s et, surtout, la transparence est de mise. En outre, ni l’un·e ni l’autre ne ressentent le besoin de faire des nouvelles rencontres en permanence, mais chacun·e apprécie en avoir la possibilité lorsque désiré.

Jean raconte d’ailleurs que pour sa conjointe, l’ouverture du couple a été révélatrice de sa bisexualité. « Elle a eu envie d’essayer de vivre de l’intimité avec des femmes et ça lui plait beaucoup. Ç’a d’ailleurs ouvert la porte à des relations sexuelles à trois. On a aussi expérimenté l’échangisme. » De son côté, Jean aime avoir la possibilité de séduire « en toute légalité ». « J’ai toujours adoré la séduction, ça me fait me sentir vivant. J’aime pouvoir reconnecter avec cette partie de moi-même », réalise-t-il. L’envie qu’éprouve Jean de reprendre contact avec une facette de lui-même résonne avec les propos de Léa Séguin. « L’une des raisons qui poussent effectivement les gens à sortir de la monogamie, c’est une quête de connaissance de soi », fait valoir la collaboratrice du Club Sexu, considérant que chaque être humain possède plusieurs versions de lui-même. « Quand on explore des expériences sexuelles et romantiques avec d’autres personnes, d’une certaine manière, on s’explore soi-même. Il y a certaines versions de soi qu’on aime, mais auxquelles on n’a pas toujours accès dans son couple. La non-monogamie permet d’aller à la rencontre de ces autres versions, que ce soit par la sexualité, l’intimité ou le contact avec d’autres personnes. »

Si cette liberté accordée aux nouvelles aventures sexuelles nourrit Jean et France, le plus important à leurs yeux demeure leur couple. « Si on ressent de la jalousie, on s’en parle; si on trouve que l’autre sort trop souvent, on s’en parle; si n’importe quoi nous chicote, on s’en parle, souligne Jean. Notre mariage est ce que j’ai de plus précieux. Je ne voudrais jamais prendre le risque de l’abimer. »

Le mode de vie polyamoureux d’Isabelle

Isabelle Perron, 51 ans, se définit comme polyamoureuse depuis 2017. « J’ai été en relation monogame pendant 21 ans », raconte-t-elle. Au fil de mes années de mariage, j’ai fait la connaissance de trois ou quatre personnes que j’ai tenues à distance parce que je ressentais une attirance très forte envers elles. Le couple dans lequel j’étais ne me permettait pas d’aller plus loin. » Vers la fin de son union matrimoniale, Isabelle fait la connaissance d’un homme qui l’attire énormément. Cette rencontre inattendue provoque chez elle des réflexions sur l’amour, l’exclusivité et la liberté qui mèneront finalement à un divorce. « S’en est suivie une période intense au cours de laquelle j’ai vécu ma vie en toute liberté, si tu vois ce que je veux dire », poursuit Isabelle, amusée.

Elle se réengage alors dans une relation amoureuse monogame et forme une famille recomposée avec son nouveau conjoint pendant deux ans et demi. La relation se termine par une infidélité commise par ce dernier, créant chez elle un électrochoc. En effet, elle prend conscience que bien que les mensonges la blessent, la relation extraconjugale en soit ne lui fait ni chaud ni froid, ce qui réactive des réflexions sur sa vision de l’amour.

 

« Je me suis dit qu’il était temps que je vive ma vie comme je l’entends. […] Au détour d’une rencontre Tinder en 2017, j’ai découvert le mot “polyamour” et j’ai réalisé que j’étais loin d’être la seule à vouloir aborder l’amour et la sexualité plus librement. »

La mère de trois enfants fait alors la connaissance d’un homme très impliqué dans la communauté polyamoureuse montréalaise. C’est tout un monde qui s’ouvre à elle. « Quand je suis dans une relation monogame et que je rencontre quelqu’un avec qui j’ai une connexion, je me dois d’y mettre un terme. Mais dans une entente amoureuse plurielle, je peux choisir d’explorer ce qui se présente à moi et de laisser libre cours à ce qui est bon pour moi », fait valoir Isabelle, qui valorise la transparence et le bien-être de toutes les personnes impliquées. « Si j’entreprends quelque chose avec une personne et que ça déclenche des sentiments négatifs chez un·e de mes partenaires qui est déjà là, je vais prendre soin de ça. Par contre, personne n’a jamais eu de droit de veto sur qui je pouvais voir ou non. »

Dans les dernières années, Isabelle a eu différent·e·s partenaires, certain·e·s avec qui elle a partagé un toit, d’autres non. « Parfois, j’ai eu envie de partager des ressources, d’offrir plus de temps et d’énergie à certaines personnes. Ça se fait à l’instinct et c’est une question de valeurs communes », explique celle qui se définit aujourd’hui comme pansexuelle, une orientation sexuelle caractérisée par l’attirance envers les personnes indépendamment de leur identité de genre. « J’ai toujours su que j’étais bisexuelle, sans jamais rien en faire, jusqu’à ce que je devienne polyamoureuse et que je puisse rencontrer des femmes et des personnes non binaires, trans, etc. »

La chercheuse Léa Séguin mentionne que l’exploration de la bisexualité ou de la pansexualité est effectivement l’une des motivations qui poussent certaines personnes monogames à contempler l’idée du couple ouvert, tout comme la curiosité érotique et sexuelle au sens large. « Quand on est en couple monogame depuis plusieurs années, il n’est pas impossible que certains fantasmes, comme le BDSM [​​bondage et discipline, domination et soumission, sadisme et masochisme] par exemple, apparaissent, ou bien refassent surface si l’on n’a pas osé les aborder avec son ou sa partenaire, note-t-elle. Ceci étant dit, certaines personnes voudront ouvrir le couple pour diversifier leurs pratiques sexuelles, sans pour autant désirer développer d’autres relations amoureuses ou en faire un mode de vie en soi. »

Isabelle, pour qui le polyamour relève de la philsophie, a la chance d’évoluer dans un milieu ouvert, où elle se sent à l’aise de parler ouvertement de son mode de vie, que ce soit avec ses enfants – dans une certaine mesure, précise-t-elle – ou ses collègues de travail. « La seule limite que je me mets, c’est de prendre soin des gens qui sont importants pour moi et de ne pas créer de la détresse chez eux. »

Curieux ou curieuse? Par quoi on commence?

Selon Léa Séguin, si un couple monogame envisage l’ouverture ou le polyamour, plusieurs discussions franches s’imposent. « C’est capital de s’assurer que tout va bien dans le couple. Si le couple bat de l’aile et que l’on souhaite l’ouvrir pour réparer les pots cassés : erreur! » affirme-t-elle, en ajoutant qu’il peut même être bénéfique de consulter un·e sexologue ou un·e thérapeute de couple pour de l’accompagnement dans ce changement de configuration, si on a le sentiment que ce mode de vie nous correspond. La spécialiste insiste également sur l’importance de la communication. « Toutes sortes de nouvelles émotions risquent d’apparaître, la jalousie, par exemple – : c’est pourquoi la transparence, l’écoute et le respect sont de mise. » Pour Léa Séguin, également formatrice en communication empathique pour le Club Sexu, la non-monogamie peut tout à fait contribuer au bien-être et à l’épanouissement personnel de ses adeptes, tant que tout le monde est consentant. « Si une personne est plus heureuse et plus épanouie, ce bonheur a de bonnes chances de ruisseler sur son ou sa partenaire », conclut-elle.

 

*Les prénoms de Jean et France ont été modifiés pour préserver leur anonymat.

 

Quelques recommandations culturelles pour aller plus loin.

Les séries documentaires québécoises Polyamour (TV5Unis, 2023) et Amour libre (TVA+, 2023)

Le balado québécois Les amours extraordinaires (Radio-Canada OHdio, 2022)

La série télé britannique Wanderlust (Netflix, 2018)

Le livre Je t’aime, je te trompe.

Repenser l’infidélité pour réinventer son couple (Esther Perel, 2018)

 


 

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