Dans notre merveilleux monde du showbiz, Christian Bégin jongle depuis de nombreuses années avec ses multiples talents, et ce avec une aisance peu commune. Tantôt comédien, tantôt animateur, il se produit également sur scène et comme si cela n’était pas assez, question d’occuper ses moments libres (!), il est copropriétaire de l’épicerie fine Le jardin du bedeau à Kamouraska. Portrait d’un homme qui n’a pas peur de relever des défis, mais qui avoue que d’atteindre la soixantaine le fait profondément suer.

Il a beaucoup été question du temps qui passe lors de notre rencontre. Une réflexion inévitable lorsqu’on avance en âge, lorsqu’on regarde le chemin parcouru, et que l’on revoit nos priorités pour les années à venir.

«Notre monde change à une vitesse exponentielle et j’ai l’impression que dans notre coffre à outils on n’a pas c’qu’il nous faut pour métaboliser les changement auxquels on est si rapidement soumis…. Et ça crée beaucoup d’anxiété et d’inconforts. Pour TOUT LE MONDE. Ce n’est pas le propre des quinquagénaires ou des sexagénaires de se sentir quelques fois « dépassés »…. Les enfants aujourd’hui font face à des enjeux, à des questionnements, à des nouveaux dictats qui induisent une grande anxiété. Notre désir de changer est légitime, je l’appelle à plusieurs égards. Et j’en comprends l’urgence. Mais on se doit de mesurer les impacts collatéraux de ces changements, dans toutes les sphères de nos vies.

L’importance de ne pas s’isoler

Son nouveau spectacle Les 8 péchés capitaux qu’il présente un peu partout au Québec, son rôle dans Les mecs, ses émissions Y a du monde à messe et Curieux Bégin, Christian travaille et surtout, s’amuse dans tout ce qu’il fait. Et même s’il est un homme foncièrement sociable, il comprend facilement que certaines personnes, en vieillissant, ont du mal à ne pas s’isoler de plus en plus.

«Il faut que tu te crées des interactions avec des gens. Mon père était un marin, c’était déjà un métier solitaire parce qu’il était pilote de bateau, il était presque tout le temps seul. Son métier, c’était sa vie, et à partir du moment où il a pris sa retraite, c’est un homme qui s’est éteint complètement. Ma mère était malade, il a pris soin d’elle durant de nombreuses années, il était un peu son aidant naturel en plus. Quand ma mère est décédée, mon père a eu comme un petit revival, on s’est dit qu’il allait reprendre goût à la vie, mais il n’avait pas de liens, pas de vie sociale ni d’amis, il n’avait rien. Alors, il s’est éteint, il a choisi de tirer la plogue. Il n’avait plus envie. Pourquoi? Il avait ses raisons qui sont rester ses raisons, mais je crois que l’absence de vie sociale, de liens, de passions, d’un univers à lui ont contribué à l’amener à cette envie de juste laisser aller…. Cultiver des liens signifiants, c’est ce qui nous garde en vie. »

« Vieillir seul est probablement l’une des réalités les plus questionnables. Il y a tellement de personnes âgées qui vieillissent seule et qui n’ont pas de liens. Il va falloir, collectivement, qu’on trouve des façons de mieux vieillir, d’offrir des possibilités de logement. C’est nous autres les prochains, ça ne me rentre pas dans la tête… Quand tu donnes la possibilité aux personnes âgées d’être des participants au monde, ça les galvanise, ajoute-t-il.
Le temps qui passe… vite!

Il y a quelques années, mon cousin est arrivé avec un mètre en bois de cent centimètres. Il m’a dit : « Imagine que ça c’est une vie. Disons que tu vis jusqu’à cent ans, mais il n’y a pas beaucoup de monde qui vit jusqu’à cent ans. Mettons, en moyenne, donc, que tu vis jusqu’à 85 ans. » Il m’a dit de prendre 85 centimètres sur la verge, ce que j’ai fait, puis il m’a dit : « Tu vas avoir 60 ans, donc il te reste ça à vivre. » Et là, visuellement, de l’avoir sous les yeux, je peux te dire que c’était très violent. C’est fou! Tu regardes ça, tu te dis que tu as vécu toute cette portion-là, et qu’il te reste ce petit bout là… Et même si je fais attention à moi, même si je suis entouré et aimé, on sait très bien aussi, et c’est inéluctable, que la nature des années à venir ne sera pas la même que les années qui précèdent cette prise de conscience…

Pour l’instant, il est assurément en forme! Il lui reste une quarantaine de spectacles à faire en 2023, et d’autres représentations s’annoncent pour 2024. Christian dit être tombé en amour avec son spectacle, et le spectacle a trouvé son public qui en redemande.


Mis à part ce troisième one-man-show après vingt cinq-ans d’absence sur scène (et 38 ans de métier), Christian a réussi à diversifier ses terrains de jeux depuis ses débuts dans le métier, comme il le dit lui-même avec une certaine fierté. « J’ai réussi à ne pas être encapsulé dans une affaire, je ne suis pas qu’un animateur de show de cuisine, je suis aussi animateur de talk-show, comédien, aussi un humoriste, cela dit entre guillemets, et je suis aussi metteur en scène et auteur. Qu’est-ce qui me fait courir encore après trente-huit ans de métier? Je ne le sais pas, c’est une espèce de boulimie, je pense que c’est dans ma nature. Est-ce que j’avais besoin d’acheter une épicerie, ou de créer une ligne de produits chez IGA il y a quatre ans? Non, je n’avais pas vraiment besoin de ça, mais j’aime partir des projets, ça me rend vivant et je trouve que c’est un antidote à l’engourdissement que peut induire le fait de vieillir. C’est une façon de rester DANS la vie. »

Un magnifique moment

« J’ai marié mon fils cet été, il a eu trente ans, et je me suis fait la réflexion : « Mon gars a 30 ans! Oh que ça va vite! » C’était un magnifique moment, c’était vraiment beau. C’était un petit mariage tout intime, à l’hôtel de ville, et c’était un bel engagement. Ils se sont dits de belles choses, l’un par rapport à l’autre. Ce n’est pas rien, quand même, de marier ton fils! Moi qui suis toujours assoiffé de rituels de passages, et je trouve qu’on en manque tellement dans nos vies, c’était un beau rituel qui a été bien célébré et qui avait du sens pour eux et pour nous. C’était parfait. »

Qui sait, peut-être que Christian deviendra grand-père un de ces jours? « Il n’est pas fermé à l’idée, donc ça pourrait m’arriver. Je l’espère, mais c’est son projet et sa vie à lui. Si ça arrive, je sais que je vais capoter ma vie! Je crois que je vais être un bon grand-papa, ben je l’espère. Mais c’est une décision qui arrive avec un lot de nouveaux questionnements pour cette génération. Je comprends très bien que les enjeux ne sont pas les mêmes aujourd’hui, avant de penser à mettre un enfant au monde. Il y a comme une insouciance qui a été perdue par rapport à ça, et c’est à la fois légitime, ça s’explique… mais ça m’attriste aussi beaucoup. Avoir des enfants n’est pas un « passage obligé »…. Mais choisir de ne pas en avoir parce qu’il plane au-dessus de nous une odeur de fin du monde, c’est autre chose… Je pense que jamais, de l’histoire de l’humanité, on a été si concrètement confronté à l’effondrement de quelque chose. Comment choisira-t-on de vieillir dans ce monde? On doit y réfléchir maintenant! »

Plus d’une vingtaine de représentations des 8 péchés capitaux de Christian Bégin sont prévues au cours des prochains mois au Québec. Pour plus de renseignements, consultez le site www.christianbegin.ca

 

 

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