Qu’on le veuille ou non, la mort fait partie de la vie. Plusieurs organismes à travers le Québec se sont donnés comme mission d’intervenir auprès de ces gens en fin de vie. Chaque petit moment compte dans ce parcours qui nous mène vers l’inconnu. L’objectif est de permettre à tous les patients de réaliser ce passage dans la dignité. Le Dr Georges L’Espérance consacre maintenant son temps à la défense de ce droit : mourir à son moment, en toute dignité, auprès de ses proches. Pour ce faire, il fait partie du CIUSSS de l’Est de Montréal (en particulier l’Hôpital Maisonneuve-Rosemont), mais son action peut s’étendre aussi au domicile ou le lieu choisi par le patient (maison, etc.).

 

Dr Georges L’Espérance

« Personne ne prend une telle décision sur un coup de tête », dit-il. « Notre personnel est là pour les épauler dans cette démarche. Jusqu’au dernier moment, le patient peut reculer et éviter l’inévitable même si les cas sont très rares. C’est un processus bien encadré qui implique l’évaluation d’un deuxième médecin et la participation d’un(e) infirmier(ère) et d’un(e) pharmacien(ne) notamment. Ce geste du dernier souffle, le Dr L’Espérance l’a réalisé des centaines de fois depuis 2017. Sommité en la matière, il a présenté 138 conférences sur le sujet, un peu partout au Québec et ailleurs. Le message est toujours le même : permettre aux malades et aux familles de démystifier cette démarche et aider les patients en fin de vie à faire les meilleurs choix possibles pour eux.

« Généralement, tout se passe dans l’harmonie. Bien sûr, il y a toute l’émotion du patient, cette forme de relâchement avant ces derniers moments, mais c’est d’abord et avant tout un acte de libération. Pour les familles, bien sûr, c’est aussi un moment de grande reconnaissance pour un proche qui va quitter ce monde dans la dignité. »

Loi insuffisante

Le Dr L’Espérance estime que la loi ne va pas assez loin pour le moment, en particulier en ce qui concerne les demandes anticipées dans le cas de maladies neurodégénératives cognitives, l’Alzheimer étant la plus connue. Alors que le Québec a adopté une loi en ce sens en juin 2023, la mise en vigueur est bloquée pour le moment, car il n’y a rien encore qui apparaît au Code criminel.

La loi québécoise concernant l’aide médicale à mourir précise que « toute personne, dont l’état le requiert, a le droit de recevoir des soins de fin de vie sous réserve des exigences particulières prévues par la présente loi. Ces soins lui sont offerts dans une installation maintenue par un établissement, dans les locaux d’une maison de soins palliatifs ou à domicile. L’aide médicale à mourir peut-être administrée dans un autre lieu de manière à assurer le respect de la dignité et de l’autonomie de la personne, ainsi que le caractère important de ce soin, pourvu que ce lieu soit préalablement autorisé par le directeur des services professionnels ou le directeur des soins infirmiers de l’instance locale visée à l’article 99.4 de la Loi sur les services de santé et les services sociaux qui dessert le territoire où est situé ce lieu. »

Sandra Demontigny

La porte-parole de l’Association québécoise pour le droit de mourir dans la dignité, Sandra Demontigny se désole de la situation. L’année 2022 s’annonçait pourtant une année charnière pour l’évolution de la loi concernant les soins de fin de vie. Une commission spéciale, spécialement conçue à cet effet, avait publié son rapport, en fin d’année 2022, et partagé ainsi sa décision unanime d’élargir l’aide médicale à mourir par le biais des directives médicales anticipées pour les personnes ayant reçu un diagnostic de pathologie neurodégénérative cognitive. Ce rapport n’a toutefois pas encore reçu de réponse de la part du gouvernement.

 

Ex-sage-femme et auteure, Mme Demontigny connaît bien les revers de cette terrible maladie appelée l’Alzheimer précoce. Son père a été le premier, dans sa famille, à payer le prix dans cette tourmente. « À 45 ans, son diagnostic a été établi de façon formelle. Huit ans plus tard, il en était décédé », se désole Sandra Demontigny. « C’est une maladie génétique. Dans toutes les familles touchées par cette maladie, 50% des membres n’y échappent pas. »

Dans le cas de Sandra, c’est à l’âge de 39 ans que les premiers symptômes ont été diagnostiqués. Les premiers signes étaient déjà apparus deux plus tôt. « Au début, j’ai mis ça sur le compte de la fatigue. Et puis, un jour, les choses ont continué à se détériorer. Ma mémoire à court terme a été affectée. J’ai commencé à oublier de simples détails. Je me répétais souvent pour dire la même chose. À un certain moment donné, je ne reconnaissais même plus ma paire de bottes à l’entrée de mon appartement. »

Continuer de se battre

« Chaque trois mois, je renouvelle ma demande d’aide médicale à mourir. Je le fais pour moi et tous ceux qui sont dans la même situation que moi. Je ne sais pas ce qui m’attend. Je n’ai pas de date de péremption sur mon front. J’ai toujours eu peur de la mort, je l’avoue. Ce qui me retiens ici, c’est ma famille, mes amis et le bonheur de profiter de la vie qui est magnifique malgré tout, mais je serai là pour tous les autres aussi. »

 

Mère de 3 enfants âgés de 17 à 25 ans et grand-mère d’un petit-fils, Sandra Demontigny a demandé l’aide médicale à mourir même si elle n’est pas prête encore à partir. Elle ne travaille plus depuis 2019. Cette résidente de Lévis vit seule aujourd’hui, dans un petit 3 ½ niché en haut d’une résidence pour personnes âgées (RPA), depuis décembre dernier. Elle se dit bien épaulée par sa famille dans cette épreuve. « Je sais que je tombe sur les nerfs de beaucoup de monde. C’est lourd pour tous mes proches. Avec cette maladie, il n’y a pas de plateau. Toutes mes facultés vont continuer à se détériorer. »

 

Pour plus d’informations. Visitez le site de l’Association Québécoise pour le Droit de Mourir dans la Dignité. aqdmd.org