Carole, 54 ans, nymphomane: « J’aimerais connaître l’amour »

Carole (nom fictif) est une professionnelle dans la jeune cinquantaine, mère de trois enfants, qui mène une vie paisible malgré le combat qu’elle mène contre ses démons : la nymphomanie.

Son médecin ne lui a jamais confirmé ce diagnostic. « Je ne suis pas certaine non plus que ce diagnostic existe vraiment. Est-ce que c’est un symptôme d’un trouble plus sérieux ou est-ce que c’est le verdict principal? J’ai un sérieux doute », dit-elle.La nymphomanie est considérée comme une maladie mentale même si le corps médical ne fait pas l’unanimité sur cette question. Le comportement sexuel compulsif est une maladie réelle et sérieuse, selon les chercheurs. Dans les faits, la cause exacte n’est pas connue.

C’est un état mental et émotionnel qui origine de l’environnement, l’hérédité et les événements de la vie. Possible aussi que ce soit à cause d’un déséquilibre chimique dans le cerveau, estiment les spécialistes. La femme nymphomane a toujours envie d’avoir des rapports sexuels. Qu’il s’agisse du même partenaire ou non, qu’elle éprouve une certaine jouissance ou pas, n’a aucune importance. Ce qu’elle recherche, c’est le rapport charnel du sexe. En effet, ce n’est pas tant le besoin de plaire ou de séduire qui compte pour ces femmes, mais cette obsession insatiable du sexe.

« Ce qui est certain, c’est que je suis accro au sexe depuis l’âge de 38 ans. Cette dépendance me rend extrêmement vulnérable. Par ma faute, je suis la cible de prédateurs sexuels. Je suis aussi la cible de moqueries vulgaires, indécentes et irrespectueuses », dénonce Carole. « Lorsque j’écris sur les médias sociaux qu’il est extrêmement difficile de se trouver de la drogue de qualité (du sexe avec un partenaire respectueux et dans le respect des limites de chacun), les gens rient, ne comprennent pas et jugent. »

 

Son histoire

Carole est née dans une famille aisée. « Dans l’intimité, mon père était alcoolique, violent, sadique et extrêmement intelligent. Ma mère, elle, était une femme loyale, sage et soumise. J’ai vu mon père fréquenter d’autres femmes toute ma vie. Ma mère s’en moquait. La fidélité a peu de valeur pour moi. Je n’y crois pas. Je préfère la vérité et la loyauté. Au primaire, j’ai subi de l’intimidation. Je ne suis pas passée au travers. Au secondaire, je suis allée à l’école privée. Mon bilan de jeunesse? Consommation de cannabis, d’alcool et de haschich. À 14 ans, je me suis retrouvée au Portage, mais j’ai réussi à m’en sortir. »

Carole a eu ses premiers plaisirs sexuels à un âge si jeune qu’elle en a oublié l’époque. Ses premières relations sexuelles complètes? Vers 12 ou 13 ans, selon elle. Jusqu’alors, rien de bien spectaculaire. Arrive la fin de la trentaine, l’époque des possibles déséquilibres chimiques. « Tout a chaviré », dit-elle. « Mon corps est devenu incontrôlable. Je pensais au sexe tout le temps. Je me masturbais de 3 à 6 fois par jour. Ça nuisait à ma concentration au travail et à mes relations personnelles. »

 

Mariage

Elle a été mariée pendant 23 ans avec l’homme qui lui a donné trois enfants. Les relations avec son mari se sont étiolées comme un château de cartes avec le temps. « À la fin, on était juste des co-locataires. Simon (nom fictif) m’aimait. C’était un homme fidèle et il acceptait mes absences et mes infidélités. Moi, j’étais trop à la recherche d’aventures et de nouveautés pour m’en soucier. J’avais toujours faim. Le sexe, pour moi, c’est comme une drogue. Je l’ai laissé malgré tout. Ce fut une erreur. Aujourd’hui, je réalise que c’est le seul homme qui m’ait vraiment aimé pour qui je suis. Pour le reste, ce fut un passage obligé vers le sexe à tout prix. Ce sont des gens qui ont profité de mon corps, mais jamais tenté de me connaître vraiment. Si je pouvais revenir en arrière, je saurais tout réparer avec Simon. »

« Oui, j’ai connu bien des amants. Des êtres de passage, certains qui n’avaient aucun respect pour moi. J’ai fait l’amour partout : dans un banc de neige, un champ ou dans un parc. Il n’y avait pas de limites. Dans mes rencontres improvisées, j’ai connu des violeurs et des gens irrespectueux qui refusaient de mettre le condom. Certains m’ont filmée à mon encontre. À chaque date, je me suis mise en danger. Les risques de MTS étaient toujours bien présents lorsque je me laissais aller. Je ne suis pas une prostituée. Une travailleuse du sexe, tu la paies et tu quittes. J’ai une addiction au sexe. Je donne du sexe et il m’en donne en retour. C’est un échange de bons procédés. Une relation sexuelle a un avant, un pendant et un après. Même si je suis attachée de partout sur le lit et qu’il me prend dans tous les trous, à la fin, il va prendre le temps de me coller. Souvent, on recommence, car j’en ai encore envie. Autrement, tu manges ta barre Mars, mais 5 minutes après tu as encore faim. »

« J’ai déjà déboursé 4 000$, en une année, pour un gars à qui je payais le motel, l’alcool, la bouffe et les condoms. Faut le faire. » Sa pire expérience? Une rencontre improvisée avec un seul homme au départ. « Une fois entrée dans le logement, je me suis aperçue qu’il y avait un deuxième homme. Puis, quelques minutes plus tard, quatre ou cinq hommes de langue étrangère cognent violemment à la porte. Ils voulaient participer, eux aussi, à la fête. Heureusement, ils n’ont pas réussi à entrer. »

Bisexuelle avouée, Carole a eu une courte relation avec une femme. Aussi, elle a expérimenté à peu près toutes les pratiques sexuelles inimaginables, des clubs échangistes au triolisme, en passant par les orgies de groupe. Avec son amant actuel, qu’elle voit sporadiquement tous les mois, elle planifie un voyage de tourisme sexuel. Les Pays-Bas, la Tchéquie, le Brésil, la Thaïlande et Cuba sont des destinations fort prisées par ces voyageurs. « Même si ça dure depuis 3 ou 4 ans, on garde chacun notre autonomie. On est des libertins. »

Il n’existe aucun traitement connu pour la nymphomanie. Carole contrôle ses appétits sexuels avec des médicaments. Parfois, une psychothérapie peut aider. « Je reçois l’aide de médecins, de sexologues et de psychiatres. Je suis privilégiée, mais je ne suis pas sûre que ce soit le cas pour toutes les femmes », dit-elle. Elle participe aussi, à l’occasion, à des rencontres de partage (DAA Québec, Sexoliques Anonymes, etc.). « Je me sens différente et incomprise. Et pourtant, j’ai beaucoup d’amis autour de moi. Certains connaissent ma situation et se moquent un peu de moi à l’occasion », souligne Carole. « Parfois aussi, je me réveille la nuit avec une douleur incontrôlable au thorax. Les médicaments ne fonctionnent pas toujours. Seule la masturbation réussit à m’apaiser. Les médecins me le disent : la seule solution, c’est le sevrage et c’est ce qui m’inquiète. Je me demande si l’abstinence ne me rendra pas encore plus enragée, en mal de sexe comme jamais. Pour moi, c’est l’enfer. »

 Opinion publique

« Aujourd’hui encore, je suis en colère. En colère contre l’opinion publique, la perception des hommes surtout face à ce que nous vivons. Non, les femmes ne sont pas des salopes, des vaches ou des cochonnes. On parle des femmes, mais il y a aussi les hommes qui sont reconnus pour avoir des besoins sexuels supérieurs à la femme. On parle de nymphomanie chez les femmes, mais qui parle de satyriasis chez les hommes, un appétit sexuel pathologique? Là-dessus, c’est le silence radio. On n’en parle jamais », déplore Carole. «Parfois, j’ai des remords avec tout ça, mais pas très souvent. »

« Je ne suis pas une romantique. De fait, depuis ma séparation, je ne suis tombée en amour que deux fois », admet Carole. « Recevoir des fleurs me tape sur les nerfs, tout comme me faire souhaiter bonne journée à tout moment, mais j’aimerais connaître l’amour, une relation durable et une certaine stabilité. C’est très difficile de rencontrer quelqu’un de bien. Dans mon cas, ça semble impossible. Chaque fois que j’ai dévoilé un peu de mon intimité aux hommes avec qui je suis sortie, ils se sont sauvés en courant. Les hommes ne m’aiment pas, ils m’utilisent. Un jour, si je rencontre un homme qui n’a pas peur de ma dépendance, la tendresse prendra toute la place qu’il désire. Je vais faire ce qu’il veut… »

 

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