Partout où il passe, Gaston Vallières, un citoyen de Sainte-Thérèse dans les Basses-Laurentides, ne passe jamais inaperçu au volant de son corbillard.

Personnage excentrique? Peut-être, mais surtout un passionné de voitures qui possède une Firebird 1969 achetée il y a 20 ans, 3 voitures de marque Cobalt, une Dodge Caravan et un camion Chevrolet, sans oublier sa rutilante Cadillac 2000 de couleur blanche convertie en corbillard. Inutile de dire que son garage et son stationnement ne laissent pas beaucoup de place à autre chose.

« Je suis ce qu’on appelle un acheteur compulsif, et c’est vrai! Quand je trouve quelque chose de beau, je l’achète, c’est comme ça que je suis. Mais, dans tous mes achats passés, je ne me suis jamais trompé. J’ai toujours trouvé mon profit au bout du compte quand le temps était venu de revendre », se félicite l’homme de 66 ans.

 

Pour l’amour de sa fille

Cette fois-ci, c’est pour l’amour de sa fille que M. Vallières s’est aventuré dans cette folle histoire. « Ma fille Maélee s’amusait sur Internet lorsqu’elle a vu ce magnifique véhicule. Elle m’a dit :  – Regarde comme il est beau. Pourquoi est-ce qu’on ne l’achèterait pas? Ça me ferait tellement plaisir. – En deux temps, trois mouvements, j’étais au téléphone avec son propriétaire qui habitait Rimouski. L’affaire a été conclue là, au téléphone, au beau milieu de la soirée. À 3 heures du matin, je prenais la route pour le Bas-Saint-Laurent avec un ami. »

 

Son butin? Une Cadillac version corbillard avec seulement 53 000 kilomètres au compteur. « Elle était dans un état superbe. Je l’ai payé à peine 8 000 $ alors que lui en avait fait l’acquisition pour 153 000 $. Faut dire que la vie n’a pas été tendre avec ce monsieur qui avait perdu son fils deux mois plus tôt. Je pense qu’il a voulu effacer à jamais certains souvenirs. Il a même tenu à faire le plein du véhicule avant que l’on ne reprenne la route. »

 

« Dès que je l’ai vue, je suis tombé en amour comme si je venais de rencontrer l’amour de ma vie. Elle était dans un état impeccable. Je n’ai pas mis un sou dessus en termes de réparations. C’est encore une jeunesse. »

 

Cercueil oblige

En prenant congé du vendeur, M. Vallières a eu une pensée toute spéciale. « Je me suis dit, ben voyons, un corbillard sans cercueil, ce n’est pas un corbillard », s’est-il dit. Il se rue alors sur l’un des salons funéraires de la ville de Rimouski pour se procurer le précieux coffret.

Sur le chemin du retour, M. Vallières a pu apprécier tout le confort et la puissance de son nouveau bébé. Je l’ai poussée jusqu’à 150 km/heure. À un moment donné, mon chum m’a dit : – T’es fou, on va se faire coller pour excès de vitesse -. Quelques kilomètres plus loin, on est passé devant un policier à 145 km/heure. Il n’a pas bougé. Faut croire que le Bon Dieu était de mon bord cette journée-là. »

Pour lui, pas question d’exposer sa dernière conquête aux rigueurs de l’hiver. « Mon corbillard dort bien au chaud dans le garage. Je fais attention à mes bébelles. » Depuis son acquisition, en 2021, il a parcouru environ 5 000 kilomètres. Des déplacements tout simples, comme se rendre au dépanneur ou à l’épicerie. Après tout, l’espace est plutôt restreint, pas plus de 3 places. Le cercueil occupe tout l’espace derrière.

Qu’il se stationne au supermarché ou près de son dépanneur préféré, les curieux n’hésitent pas à le questionner. Après tout, que fait un corbillard aux abords d’un dépanneur? Ses amis, eux, gardent certaines réserves. « J’ai quelques amis qui ont refusé littéralement de faire une promenade dans le corbillard. Une histoire de superstition, faut croire. Moi, je n’ai aucune crainte à me coucher sur ses planches, juste pour le fun. Pour le moment, c’est mon auto de plaisir. Dans les faits, je préfère être incinéré. Moins lourd pour tout le monde ! »

 

Qui est Gaston Vallières?

Gaston Vallières est un homme tout simple. Dur ouvrier, il a travaillé presque 20 ans dans le monde difficile du déménagement. « On faisait jusqu’à cinq déménagements par jour. C’était difficile, mais on a toujours livré la marchandise du matin au soir. Avant, je bûchais dans le bois. Pas facile non plus. » Depuis quelques années, M. Vallières possède une entreprise de livraison de matériaux de construction avec son fils. Encore là, des horaires difficiles, mais ça, il y est habitué. « Je pense que je suis un gars sociable qui respecte tout le monde. Pas question de retraite pour moi, je vais arrêter quand je vais être mort. Pour moi, la vie est belle comme on veut qu’elle le soit. Jamais je ne pleure sur mon sort. »

 

« J’ai reçu quatre ou cinq offres depuis l’achat de mon corbillard. Certains étaient prêts à m’offrir jusqu’à 18 000 $. Quand j’y repense, je crois que j’ai fait une bonne affaire. C’est économique sur l’essence et ça ne coûte pas plus cher, côté assurances, qu’une autre voiture. À neuf, aujourd’hui, un véhicule comme ça se vend entre 175 000 $ et 200 000 $. Mais la valeur monétaire de ce véhicule n’a rien à voir avec sa valeur sentimentale. Ce corbillard, je l’ai acheté pour la famille et ça va demeurer ainsi pour des années encore. Mais, pour le moment, il n’y a que moi qui le conduit. »

 

 

 

 

 

Mais qu’est-ce qu’un corbillard ?

Un corbillard est un véhicule dans lequel on transporte les morts au cours des rituels funéraires, entre le lieu où se fait la cérémonie funéraire et le lieu d’inhumation ou de crémation. Longtemps véhicule hippomobile, le corbillard est maintenant, un véhicule automobile et plus souvent qu’autrement, une Cadillac.

Au Moyen Âge, des bateaux faisaient la navette entre Paris et Corbeil pour apporter des denrées et des matériaux de construction. Appelés corbeillards ceux-ci ont été utilisés, lors de la grande épidémie de peste noire au 14e siècle. Les bateaux changèrent de vocation et servirent à évacuer les morts et le terme resta aux véhicules funéraires. La première mention au Québec de l’utilisation d’un corbillard hippomobile remonte en 1805 à Saint-Augustin-de-Desmaures, près de Québec et c’’est dans les années 1930 que l’on commence à utiliser les premiers corbillards automobiles. Outre les traditionnelles Cadillac et Lincoln, il existe aussi en Europe, des Mercedes, BMW, Bentley et même Maserati ! De quoi partir dans le luxe !

 

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