«J’ai hâte que ça reparte cette machine-là!», confiait en entrevue à la fin de l’été Robert Charlebois à propos de ce spectacle-événement lancé en juin 2019, à l’aube de ses 75 ans.

Robert en CharleboisScope, qui a mérité le Félix du spectacle de l’année 2020 catégorie auteur-compositeur-interprète, tiendra l’affiche de l’amphithéâtre Cogeco de Trois-Rivières les 1er et 2 octobre avant de déménager les 2, 3 et 4 décembre à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts de Montréal, puis au Grand Théâtre de Québec en mars 2022.

Plus de 50 ans après L’Osstidcho, Garou (surnom que lui a donné Mouffe) remet ça avec un spectacle qui sort à nouveau des sentiers battus. «C’est plus que le show de l’année, c’est le show de ma vie», dit-il.

De fait, en plus de le voir performer sur scène accompagné de ses 10 musiciens et de redécouvrir ses plus grands succès, le public verra défiler derrière lui 60 ans de carrière à travers de spectaculaires projections vidéo sur un écran géant de la taille de deux maisons.

«Dans ce show-là, j’ai un orchestre pour les oreilles et un orchestre pour les yeux», explique Robert Charlebois en évoquant les concepteurs et artisans de deux studios multimédias montréalais d’envergure internationale réunis pour l’occasion. Ceux-ci ont créé à partir de pièces d’archives plusieurs œuvres visuelles traduisant en images et en «motion design» les différentes époques. «De temps en temps, je suis tenté de me retourner pour voir ce qui se passe derrière et chaque fois il y a une larmichette qui vient me chercher.»

Là où tout a commencé

Héritier de Félix Leclerc et Claude Léveillée, dont il assume les premières parties dans les boîtes à chanson au début des années 1960, Charlebois devient rapidement le porte-étendard de la Révolution tranquille sur la scène culturelle avec L’Osstidcho qu’il monte en catastrophe avec Mouffe, Yvon Deschamps et Louise Forestier en mai 1968.

Ce spectacle mythique qui a marqué l’imaginaire à bien des égards coïncide avec les événements du printemps 68, où la planète est en totale ébullition. Mais n’eût été d’un heureux concours de circonstances, L’Osstidcho n’aurait jamais vu le jour. «Si Michel Tremblay avait été prêt pour Les Belles-soeurs, on n’aurait jamais eu le Théâtre de Quat’Sous, rappelle le rockeur psychédélique de l’époque qui, avec sa bande, s’y est installé pour trois semaines. Merci à Paul Buissonneau [alors directeur artistique du théâtre]. Sans lui, on aurait eu droit à une autre revue traditionnelle dont personne ne parlerait aujourd’hui».

L’incident de l’Olympia

Chanson culte qu’il crée en une nuit avec Claude Péloquin, la très planante et aérienne Lindberg lui vaut, entre autres, le Grand Prix du 5e Festival international de la Chanson française à Spa, en Belgique, en 1968. Un triomphe qui lui ouvre les portes de l’Olympia de Paris l’année suivante, là où sa réputation d’enfant terrible de la chanson québécoise se cristallisera à jamais.

«La légende veut que j’aurais lancé des cymbales, tranché des têtes et qu’il y avait du sang partout, ironise celui qui résume l’incident en une tambourine qui a roulé dans la salle et qui n’a blessé personne. On s’est fait fermer le rideau sur la tête; je n’ai pas aimé ça, c’est tout!»

Faut dire que son rock déjanté détonnait avec le style de Georgette Plana, une chanteuse de variétés d’avant-guerre dont il faisait la première partie. «Je n’étais juste pas à ma place. Toute comparaison étant boiteuse, c’est comme si on mettait Julio Iglesias avec les Red Hot Chili Peppers. Il y en a un des deux qui souffrirait…». Quelques années après l’avoir viré de l’Olympia, le propriétaire Bruno Coquatrix lui rouvrait à nouveau toutes grandes les portes.

Rebel et anticonformiste, Robert Charlebois a toujours fait à sa façon, sans compromis. Il en a fait sa marque de commerce. «C’était les années de contestation. On contestait tout, même les gens qui contestaient», plaisante-t-il, ajoutant qu’il n’y aurait pas eu d’Osstidcho s’il ne s’était pas rebellé contre Buissonneau.

Véritable trésor national, Charlebois a produit une trentaine d’albums originaux et d’innombrables succès parmi lesquels Ordinaire, Lindberg, J’veux d’l’amour et, sa plus payante, Je reviendrai à Montréal figurent parmi ses préférés.

Plusieurs vies

Membre de l’Ordre des arts et des lettres du Québec et du Panthéon des auteurs et compositeurs canadiens, celui qui fut de la tournée canadienne avec Janis Joplin, The Band et The Grateful Dead en 1970 a eu plusieurs vies.

Plus jeune candidat au pays à l’élection fédérale de 1968 sous les couleurs du parti Rhinocéros, il a connu une carrière au cinéma à la faveur d’une dizaine de films dont le western de Sergio Leone Un génie, deux associés, une cloche, où il a tourné aux côtés de Terence Hill et Miou-Miou. Il s‘est aussi illustré dans le monde des affaires, lui qui fut un des artisans et vice-président de la microbrasserie Unibroue dans les années 1990.