Imaginez ceci pour un instant : Vous accouchez d’un très mignon garçon; puis, quelques semaines plus tard, vous devenez totalement et irrémédiablement aveugle ; puis, dans les jours qui suivent, vous perdez votre emploi; puis voilà que dans la même année, votre conjoint se fait la malle !

Pareille malédiction n’arrive qu’au cinéma pensez-vous.

Eh, bien non ! C’est exactement ce que le destin avait prévu pour les 30 ans de Marie-Christine Ricignuolo.

Peut-on vraiment réussir à passer au travers de toutes ces épreuves, d’autant plus qu’elles se donnent le mot pour frapper toutes en même temps ? À priori, on répondrait à ça par la négative et c’est d’ailleurs ce que pense pendant de très longs mois la Montréalaise Marie-Christine. Elle croit même que la seule issue est le suicide. Faut dire qu’avant ces drames, la dame vivait dans une certaine opulence. Diplômée universitaire en Administration, Marie-Christine travaillait au sein d’une importante maison d’édition et l’argent ne posait pas problème. Vêtements classes, voitures luxueuses, grande maison, voyages et bien sûr, repas dans les plus chics restaurants en ville; sa vie se résumait à ça!

Une façon, pourrions-nous dire, de se récompenser après une enfance difficile en raison de son état de santé. Marie-Christine est née avec un glaucome congénital. Une malformation qui touche environ 1 enfant sur 10 000. Celle-ci empêche le liquide de s’écouler normalement du globe oculaire et de ce fait crée une pression sur l’œil endommageant ainsi le nerf optique. Peut alors en résulter une cécité totale, comme cela surviendra 30 ans plus tard dans le cas de Mme Ricignuolo. La jeunesse de cette dernière sera marquée par quantités de visites médicales. On réussira à contrôler la pression exercée sur l’œil avec des gouttes ophtalmiques. Mais en 2013, à l’âge de 25 ans, la situation devient sérieuse et on procède à une greffe de la cornée. On se croise les doigts, cela semble fonctionner. Puis trois ans plus tard, Marie-Christine, réalise l’un de ses grands rêves : avoir un enfant. Elle donne naissance à un garçon qu’elle prénomme Liam.

Mais le mauvais karma n’en a pas fini avec la jeune femme. On lui apprend que Liam est né lui aussi avec un glaucome congénital.

« Ce fut un choc terrible, avoue Marie-Christine. Je donne la vie à un joli petit garçon, mais du même coup, je lui transmets cette terrible chose. »

La nouvelle maman n’est pas au bout de ses peines. Six mois après l’accouchement, on lui apprend que son corps rejette la greffe faite trois ans plus tôt. Dès lors, ses problèmes de vision empirent à rythme accéléré. On tentera une nouvelle greffe et pour ce faire, la patiente subira sept opérations. Peine perdue, les médecins s’avouent vaincus. Il n’y a rien à faire. À 30 ans, Marie-Christine devient irrémédiablement aveugle.

 

« Lorsque j’ai appris la nouvelle, ce fut la pire journée de ma vie, » dit Marie-Christine avant de prendre une pause de quelques secondes pour ensuite se raviser. « Non, ce ne fut pas la pire journée de ma vie, ce fut la deuxième pire journée de ma vie. La première pire journée de toute ma vie, c’est lorsque l’on m’a annoncé que mon fils avait hérité de cette malformation oculaire. Ça m’a démolie! Si un jour il perd la vue, je me sentirai tellement coupable…Cette nouvelle étape de ma vie est la plus difficile que j’ai eu à passer. Je me retrouve seule sans emploi et aveugle avec un petit bébé que je dois nourrir protéger et soigner. Vivre dans de telles conditions est un défi perpétuel, » raconte Marie-Christine.

Comment préparer la nourriture du bébé quand on n’y voit rien ? Comment le faire manger ? Changer ses couches ? Comment faire tout ça alors qu’elle n’arrive même pas à se déplacer dans la maison sans heurter au passage une chaise, une table, un bureau ? « Si vous saviez le nombre de fois où je me suis cogné aux murs » dit la pauvre femme qui n’ose plus sortir de chez elle.  « J’avais trop peur, même si quelqu’un m’accompagnait » confie-t -elle. Malgré tout l’amour qu’elle a pour son fils, malgré toute sa détermination, la jeune mère n’y arrive tout simplement pas. Totalement démunie, une grande déprime l’envahie. Marie-Christine se croit devenue inutile. L’obstacle est infranchissable et pour le bien de l’enfant, elle décide qu’ils iront vivre chez ses parents. Au moins, avec eux présents, son fils sera en sécurité avec tous les soins qu’il lui faut.

Et la maman elle ? Qui peut s’en occuper et comment? Eh bien, ça n’a plus guère d’importance juge-t-elle. « À quoi bon continuer à vivre dans de telles conditions ? Je ne retrouverai pas la vue; je ne pourrai plus rien faire de ma vie, alors pourquoi continuer ? » Ses parents et amis seront d’une aide précieuse. Ils prendront soin autant du petit Liam que de Marie-Christine et peu à peu, celle-ci reprendra du tonus. Histoire de se donner une dernière chance, elle demande et obtient l’aide d’organismes spécialisés, tels que l’Institut Louis-Braille. Et voilà que le déclic se fait ! Un déclic qui changera sa vie !

Dès lors, la maman se met au boulot. Ce n’est pas facile bien sûr, mais le progrès est constant. Puis voilà qu’un jour, Marie-Christine se sent prête à reprendre les rênes de sa vie. Liam et elle retournent vivre en appartement, dans un chez-soi bien à eux ! Parents, amis et intervenants sociaux l’ont bien outillée. À elle maintenant de faire le reste. « Il m’a fallu un temps d’adaptation, mais quand même pas trop long. Il faut au départ de l’organisation; beaucoup d’organisation. La première règle à respecter c’est de ne jamais déplacer les objets, mais si on doit le faire, il est impératif de les replacer à leur endroit d’origine. Cette règle respectée m’évitera de heurter une chaise, un meuble ou de mettre le pied sur un jouet, » précise la jeune femme.

  • Et la technologie vous est-elle d’un certain recours – lui demande Rebel ?

« À qui le dites-vous, répond sans hésitation Marie-Christine. Les nouvelles technologies sont mes yeux. Ordinateur et téléphone intelligent sont à commandes vocales. L’ordi me fait la lecture de ce qui est écrit. Par exemple, il me lit mes courriels et je lui dicte ensuite vocalement ma réponse qu’il transposera par écrit et qu’il enverra à la personne que j’aurai identifiée. Quant à mon téléphone, lui c’est mon compagnon de tous les instants. Je lui fais scanner divers objets et ce compagnon m’en fait la description. J’ai besoin d’une conserve de tomates ? J’ouvre l’armoire, le dirige vers les conserves et le voilà qu’il m’identifie la bonne conserve. Il pourra même me lire l’étiquette décrivant ce que contient ladite conserve.  

Il m’arrive occasionnellement de ne plus me souvenir où j’ai foutu un objet. Il peut être au salon, dans une chambre ou simplement à cinq pieds de moi, mais quand on n’y voit rien, même à cinq pieds ça peut être difficile de trouver. Alors, je fais un facetime avec mes parents ou avec des amis et voilà qu’ensemble et à distance, on cherche ledit objet. En fait, je peux faire presque tout : les repas, le ménage, le lavage, et tellement d’autres choses. »

Et pour ce qui est des devoirs et leçons de Liam ? « Il y a une tutrice qui vient à la maison et qui s’en charge. Je veux que mon fils réussisse bien à l’école et qu’il se prépare un bel avenir. »

Sur un plan plus personnel, Marie-Christine a réussi à se faire une nouvelle vie qui ne manque pas de piquant et qui la rend heureuse. Pendant que Liam est à l’école, maman s’entraîne au gym (elle y va en transport adapté), ou encore elle travaille. Eh oui, Marie-Christine est retournée au travail ! Elle est, entre autres, conférencière ; une conférencière devenue fort populaire après son passage à l’émission De garde 24-7 à Télé-Québec puis plus tard à Denis Lévesque sur LCN. Elle a ensuite participé à une docu-réalité sur la chaîne AMI-télé.

 

Elle a fait l’objet également de plusieurs reportages :   Journal de Montréal, La Presse, Radio-Canada, TVA, Elle Québec, QUB Radio et Global News. Elle a aussi son propre site web (mariechristinericignuolo.com). Elle y a présenté entre autres une série de capsules vidéo qui furent très populaires. Pour les besoins de cette série, elle avait lancé un défi à différentes personnalités publiques afin qu’elles vivent en sa compagnie l’expérience de la cécité complète. Parmi celles qui ont répondu à l’invitation, on a retrouvé la comédienne Guylaine Tremblay, l’humoriste Phil Roy, le commandant Robert Piché et le chef Martin Juneau. « Ce fut très agréable, » affirme Marie-Christine qui est aussi chroniqueuse et reporter sur la chaîne AMI-télé, où elle a coanimé en plus une émission avec Marie-Soleil Michon.

Récemment, soit au printemps 2022, Marie-Christine, avec la collaboration du journaliste Jean-Yves Girard, a publié sa biographie : Ma vie dans le noir. Un livre de 144 pages dans lequel Marie-Christine raconte avec humour et franchise son quotidien : du lever jusqu’au coucher.

Clairement, Marie-Christine qui compte au-delà de 10 000 abonnés sur les réseaux sociaux

a réussi à gravir l’énorme, la très énorme montagne qui se dressait devant elle. La pente fut on ne peut plus abrupte, mais à force de courage et de travail, elle y est parvenue.

« Oui, évidemment je suis très fière de ce que j’ai réussi à accomplir jusqu’ici. Mais j’ai quand même de grands regrets. Le visage de mon fils par exemple que je ne vois qu’en souvenir, ou encore ses exploits dans les sports ou à l’école, des exploits que je ne peux voir et pour lesquels je suis limitée qu’à entendre la description qu’on m’en fait. Et il y a aussi mon amoureux, un homme que j’apprécie tellement, mais que je n’ai jamais vu ! »

 

 

 


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