Masseuse érotique: Dame Eve se donne corps… et âme !

 

Pour les besoins de la cause, on l’appellera Armand. C’est un très gentil monsieur de 87 ans. Doux et tellement poli qu’on croirait plutôt à de la timidité. Mais qu’importe, à toutes les deux semaines, Armand a rendez-vous avec Dame Eve pour sa séance de massage érotique.
Même si ses 87 années de vie ont fait disparaitre ce corps dont il était tellement fier autrefois, il n’a aucune gêne à se dévêtir totalement et laisser les mains de Dame Eve l’emporter dans un autre monde. Dame Ève, Armand est en confiance et se voit aussi important que n’importe qui d’autre. Après 30 minutes, parfois même une heure, Armand quittera sa nymphe, heureux, le cœur léger comme il l’était sans doute à ses 20 ans après une belle aventure. Il la quittera non sans lui rappeler qu’il la reverra dans 15 jours…

« Mon travail c’est ça. Je rends les gens heureux. J’offre de la tendresse, de la chaleur humaine et de l’extase. C’est comme ça pour Armand et c’est comme ça pour tous mes autres clients et clientes, quoique j’ai toujours de la grande compassion pour les gens seuls comme dans le cas de Monsieur Armand; il est tellement doux et gentil, » raconte Eve Laflamme.

 

On l’aura compris, Eve Laflamme (son pseudonyme) est travailleuse du sexe. Elle commence sa carrière à l’âge de 19 ans comme danseuse nue dans les bars. Plutôt populaire, la dame se promènera de ville en ville avec des contrats notamment en Floride, en Ontario, dans les Maritimes et bien sûr au Québec.
Puis un jour, désirant s’éloigner de l’alcool pour lequel elle avait un gros penchant, Eve met sa carrière sur pause et va en séances de méditation au Mexique. Ce fut une extraordinaire révélation qui allait changer le cours de sa vie à tel point qu’elle fait maintenant ce « pèlerinage » chaque année. Elle y développe, dit-elle, sa conscience et en revient chaque fois énergisée. À 33 ans, elle reprend du service dans les clubs de danseuses et c’est à ce moment dit-elle, que sa libido explose !

« Moi qui avais toujours refusé que quiconque me touche, me voilà rendue cette fois dans les clubs de danses à 10 $ à me laisser toucher et en éprouver du grand plaisir. Oui, on faisait de l’argent, entre 500 $ et 600 $ par soir, mais au-delà des dollars, il y avait le sexe et j’adorais ça au point de me retrouver plus tard dans ce qu’on appelait les bars à gaffe, des bars où les danseuses ne faisaient pas que danser. Ça m’excitait au point d’avoir envie de baiser tous ceux qui étaient dans la salle. »

Puis voilà que « ses amis de méditation » lui manquent beaucoup et puisqu’elle vient de rompre avec son «chum». Plus rien maintenant ne l’empêche à les rejoindre. Elle déménage donc à Montréal et se met aussitôt à la recherche d’emploi. Et puisqu’elle adore le sexe et qu’elle aime tout autant faire plaisir, pourquoi ne pas devenir escorte? Ce qu’elle deviendra tout d’abord en agence, puis plus tard en formule indépendante.

« Ça me faisait peur au début d’être escorte indépendante, souligne la travailleuse du sexe. Tu dois voir à tout : ta promotion c’est-à-dire les photos professionnelles, le site web avec textes promotionnels, ensuite la gestion de tes rendez-vous, de la location de chambres, de tes vêtements, de ta comptabilité, etc.. Mais au moins, tu es ton propre boss et si tu reçois un téléphone alors que tu es avec des amis au resto, tu n’es pas obligé de tout laisser et aller travailler. Je n’ai jamais regretté d’avoir fait ce choix. »  En agence ou indépendante, c’est quand même un métier qui peut comporter certains risques. Sur ce point, Dame Eve dira qu’elle est chanceuse, car les incidents dans son cas ont été rares.

« Il y en trois dont je me souviens particulièrement, dite la dame. Il y a eu ce pauvre monsieur mort sur le lit d’une crise cardiaque. Je sortais de la douche et m’apprêtais à le rejoindre lorsque je l’ai vu les yeux fermés. Je croyais au départ qu’il dormait. Hélas non! J’ai paniqué un peu, car je ne savais pas quoi faire sur le moment. On a appelé les ambulanciers qui ont constaté le décès et transporté le corps à l’hôpital. Je n’en ai jamais eu de nouvelles ensuite. 

Il y a eu aussi ce client qui a retiré hypocritement son condom avant d’éjaculer en moi. Là aussi, j’ai paniqué. Je pensais au Sida. Je suis sorti en larmes et suis allé subir des examens qui heureusement se sont avérés négatifs. Mais le temps qu’il faut avant d’avoir les résultats est un vrai calvaire. J’ai eu affaire aussi à une brute qui a pris plaisir à me prendre par derrière de façon agressive au point de m’infliger de grandes douleurs. J’avais beau lui dire de cesser, mais rien n’y fit. »

Après avoir exercé ce métier pendant 4 ou 5 ans, Eve sent le besoin une fois de plus de faire autre chose. C’était rendu que j’angoissais à l’idée qu’on touche à mon clitoris. « Le reste ça allait, mais dès qu’on s’approchait du clitoris c’était l’angoisse totale, » dit-elle.
C’est à la suite d’une longue réflexion alors qu’elle était en pause, qu’elle décide de se spécialiser en massage érotique avec un horaire qui lui permet de vivre un peu plus librement que lorsqu’elle était escorte. « Jamais la nuit et jamais passer 22 heures, insiste-t-elle.

« J’aime donner du plaisir, donc ça cadrait bien avec ce que j’avais le goût de faire et disons qu’avec maintenant cinq années d’expérience mes techniques se sont raffinées et que je suis ouverte à la plupart des fantasmes de mes clients ou clientes qu’importe qu’ils soient hétéro, homo, bi ou trans. Toutefois, ils doivent être majeurs, » affirme celle qui aime bien souligner également qu’il arrive que des puceaux aient recours à ses services afin de découvrir ce qu’est une relation sexuelle.

« Je peux même dire que j’ai sauvé des mariages, dit sans ambages Mme Laflamme. Il y a eu des cas où le monsieur se fait refuser toute relation intime par sa femme. Plutôt que de la laisser, il vient me voir et satisfait, il retourne ensuite au foyer familial heureux. »

 

Des limites aux services que vous offrez ?

« Oui, il y en a. Allez voir mon site web et vous verrez tout ce que je suis en mesure de faire. Si c’est la volonté du client ou de la cliente, alors je le fais. Je prends bien soin cependant de parler un bon 15 minutes avant le début de la séance; un 15 minutes non facturées et qui me permet de bien connaître ses attentes. Je ne juge pas même si des collègues considèrent certaines demandes qui me sont faites plutôt inhabituelles comme ce gars qui m’a demandé de le pénétrer avec le poing au complet !»

 

 

 

 

Et la retraite

« Ah, la retraite ! Je me vois passer six mois dans le sud et six autres mois ici avec ma famille et mes amis. Je me vois du même coup devenir une guide, une sorte de Madame Claude pour maison close. Je me vois bien être conseillère autant pour les travailleuses du sexe que pour les clients afin de les diriger vers les bonnes personnes, des personnes fiables et professionnelles selon le genre de services demandés. Mais ce n’est pas pour demain, » ajoute celle qui ne l’a pas eu facile dans la vie.

Un père alcoolique et violent dont sa mère a réussi à quitter lorsque Eve était encore une très jeune enfant, puis un père adoptif très distant qui l’est devenu encore plus lorsqu’il a su ce que faisait sa belle-fille dans la vie, et ce, même si elle avait quitté le domicile familial à l’âge de 16 ans afin d’étudier en travail social. Elle a obtenu le diplôme mais n’a jamais pratiquée jugeant les conditions de travail inadéquates pour elle.

« Faut dire que mon père adoptif a totalement changé avec le temps, en fait, depuis qu’il s’est fait à l’idée que c’était ma vie et que j’avais le droit d’en faire ce que je voulais. Il est devenu à ce moment-là mon meilleur ami. Nous étions tellement liés qu’il a insisté pour que je l’accompagne dans la mort sur son lit d’hôpital. Il me manque beaucoup, car mon deuxième père était vraiment quelqu’un de bien. »

Il n’est pas le seul de la famille d’ailleurs à ne pas faire grand cas du métier exercé par Dame Eve. Les relations sont très harmonieuses autant avec sa mère qu’avec ses frères et sœurs qu’elle dit ne pas voir assez souvent. « On se voit dans quelques réunions familiales, comme lors d’une fête, mais nous avons chacun nos occupations, alors c’est difficile comme ce l’est je suppose pour d’autres familles. Il n’y a qu’une sœur, en réalité ma demi-sœur, qui refuse tout contact avec moi. Elle n’accepte pas ce que je fais et je respecte sa décision. »

Au moment de l’entrevue, Eve Laflamme vivait une autre épreuve. Après plusieurs années de vie commune, son chum et elle rompaient. « Mon ex-chum a subi un terrible accident il y a un an et depuis notre relation s’est détériorée, si bien qu’elle n’était plus viable. On a alors décidé de prendre des directions différentes, » termine la dame célibataire et qui, par choix, n’a jamais eu d’enfant.

 

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